Dans la peau d’un musher en Laponie suédoise

“J’enfile mon bleu de travail et je sors m’occuper des chiens nordiques”
“Mon arrivée en Suède est marquée par un très joli vol intérieur au départ de Stockholm, qui remonte la mer Baltique pour s’engouffrer dans le golfe de Botnie jusqu’à Luleå, juste sous le cercle polaire arctique. Cette petite ville laisse rapidement place à une nature de plus en plus sauvage — forêts, lacs, forêts, lacs… —, au long de la route pour le village de Älvsbyn, où notre camp de base, installé au bord d’un lac, invite d’emblée à la sérénité. Bienvenue en Laponie !
Et là, ce qui deviendra mon quotidien durant une semaine est tout de suite déconnectant. Après le petit déjeuner, j’enfile mon “bleu de travail” (qui est noir, pour le coup) et je sors, avec mes acolytes Richard et Antoine, m’occuper des chiens nordiques.
Il y a des alaskans huskies, des eurohounds, des malamutes de l’Alaska, des groenlandais. D’abord leur échauffement : on sort les “doudous” des enclos, ça galope dans tous les sens, ça te rase, ça vient caler les deux pattes avant sur tes épaules, ça cherche des papouilles…
Ensuite je participe à la promenade des chiots et à l’entraînement des chiens au kart tracté, à la course en libre ou à la cani-rando, selon. Pour une sortie tractée, on réfléchit à la composition des attelages : quel chien, à quelle place et en binôme avec quel autre. On leur enfile les harnais et ils passent alors au stade deux, niveau excitation. Ils n’attendent plus qu’une chose, qu’on leur ouvre enfin le portail. Moi aussi, d’ailleurs. Et à nous les grands espaces !
“[…] scruter les environs à la recherche d’un élan, d’un renne, d’un ours brun…”
Quel plaisir de traverser ces vastes étendues : les lumières rasantes de l’automne font briller les teintes dorées de la taïga, les couleurs sont resplendissantes. Ou quand la nature joue l’une de ses plus belles partitions, juste avant de succomber à la torpeur de l’hiver ! Dans cette ambiance de “petit Canada”, j’ai l’impression d’être un vrai pionnier, un trappeur… Bien que le secteur ait récemment été reboisé et qu’il n’y ait pas encore assez de sous-bois où les animaux puissent se cacher, je reste aux aguets des moindres réactions, des moindres grognements ou regards insistants des chiens. Je prends le temps de scruter les environs à la recherche d’un élan, d’un renne, voire d’un ours brun… Je vis mon aventure à fond !
Et puis les lacs… Il y en a des milliers, les Suédois entretiennent d’ailleurs un lien très fort avec eux. A bord de leurs bateaux pontons, ils aiment pêcher, se détendre, tout en préparant leur barbecue. J’en croiserai quelques-uns au cours de nos sorties en canoë, une belle façon de profiter du calme des lieux.
Nous descendons parfois de nos embarcations pour explorer un petit bout de forêt, un cabanon (peut-être) abandonné. Ou nous amarrons au milieu des roseaux et imaginons vivre un polar nordique : on s’amuse à “écrire” le dernier tome de Millénium tout en se demandant si ce nouveau thriller du froid pourrait envahir les rayons des librairies…
“[…] cet univers à l’ambiance si particulière, chargée de mystère”
Dans ces contrées vraiment isolées, je vais pourtant faire des rencontres, celles des “voisins”, dans la mesure où ils habitent le long de la même piste. Ici règne une certaine bienveillance : par exemple, personne ne s’étonne de trouver sur son capot de voiture des gâteaux, offerts par une connaissance chez qui on a garé le véhicule pour partir en balade en canoë. Ces pâtisseries sont l’occasion de s’inviter à une fika — véritable institution en Suède ! —, c’est-à-dire de partager un café, de retrouver des amis, d’échanger des potins, de rompre la routine quotidienne…
Les soirées aussi seront très conviviales, au son de la musique country, une autre passion de l’un des prestataires, des Frenchies à l’accueil plus que chaleureux. Avec en arrière-plan la projection de films de courses de chiens de traîneau, dont les nombreuses victoires du musher Lance Mackey dans la très réputée Yukon Quest. Ne manquera au tableau qu’une aurore boréale, ratée de peu le soir où je partirai… Mais j’ai été plus que comblé par cette immersion totale en Laponie, dans cet univers à l’ambiance si particulière, chargée de mystère, et par le mode de vie des mushers, ces passionnés des espaces nordiques.”
NB : Ce texte a été réalisé suite à un voyage de formation.