Irlande, pays de rencontres

Un druide à Doolin
“J’ai eu un gros coup de cœur pour Doolin, la ville des musiciens, raconte Vidian. Après avoir randonné à travers les lapiaz du parc national du Burren et sur les hautes falaises de Moher, la guinness m’appelait aussi fort que Rémy. Il n’était pas 18 heures que le pub, spot de rencontres en Irlande, était déjà bondé. Des musiciens donnaient des airs enjoués, les bourdons du uilleann pipe (cornemuse irlandaise) faisant vibrer nos mousses. Tout à coup, dans un silence quasi surnaturel est apparu un druide, le visage pénétré, les longs cheveux noirs ondulant jusqu’à sa poitrine. Il s’est installé avec deux acolytes, l’un au bodhrán, un tambour sur cadre, l’autre avec une sorte de mandoline. Il a planté ses yeux dans ceux de ses collègues, et il s’est mis à jouer, le regard perdu dans la brume, les doigts courant sur les chanters (flûtes) de son uilleann pipe.
Et là, sa musique a eu un effet magique ! Tout le pub a été saisi d’un tremblement. Des sifflements ont percé quand le rythme s’est accéléré, les mouvements frénétiques de nos têtes suivant la houle musicale ! Parfois, ses musiciens le regardaient l’air effaré, comme s’il les emmenait vers l’inconnu. Il continua un temps tout seul, dans une espèce de transe, avant de s’éteindre sur un souffle aigu. Le pub s’est alors enflammé, les rires ont fusé, les bières sont passées de main en main jusqu’au druide, heureux de son incantation. Un moment unique, celtique. Merlin l’Enchanteur devait être irlandais !”
Des pirates sur l’île de Clare
“Rencontrer un pirate est un rêve d’enfant, poursuit Vidian. Sur l’île de Clare, j’ai pu le réaliser ! Claques du vent dans le dos, air humide et salé sur les lèvres, roulis du bateau sollicitant les jambes. Tout mon corps vit pleinement ce petit trajet en traversier à l’entrée de Clew Bay, entre le ‘continent’ et la petite île irlandaise, où nous allons passer la nuit avant de randonner. A bord, des Iliens les bras encombrés de provisions, un tracteur et sa remorque, Rémy et moi. A quelques pas du débarcadère, le bed and breakfast, posé entre le port et la plage. Plus loin, la tour d’un château médiéval nous toise. Quelques pas sur la plage nous donnent l’impression d’appartenir à ce minuscule territoire insulaire. Les habitants nous abordent simplement, s’enquièrent de savoir si nous viendrons au pub ce soir.
En attendant, Rémy, intarissable passeur d’histoires, me conte la vie de Grace O’Malley, la reine des pirates des lieux au XVIe siècle. La baie, à deux pas, prend vie. Les batailles navales s’enchaînent, les éperons rocheux pour témoins d’abordages sanglants. Je me sens comme un enfant rencontrant ses rêves, mais la véritable rencontre est celle avec les Irlandais et leur culture. Le lendemain, la magnifique randonnée jusqu’au phare du marquis de Sligo, bâti en 1806 dans le nord de l’île, renforce cette impression. Sur son promontoire, entre les moutons et les murets de pierres sèches, il se dresse telle une citadelle imprenable. Sa blancheur contraste avec les sombres parois des falaises, où les fulmars jouent avec le vent. Puis la descente à travers les landes jusqu’au port me rappelle qu’un rêve a toujours une fin.”
NB : texte réalisé suite à un voyage de reconnaissance de terrain.