Patrick Boucherand : “Le Pakistan, c’est une chance !”

Qu’est-ce qui a été vraiment marquant lors de ce voyage de formation au Pakistan ?
Nous avions cessé de nous rendre dans ce pays il y a dix ans, en raison de l’insécurité. On s’est posé la question d’y retourner parce que le Quai d’Orsay permet la réouverture du pays, et parce que le Pakistan est une terre de trekking parcourue par des guides qui n’ont jamais cessé d’y aller ! Ses bassins glaciaires sont exceptionnels, et ses sommets sont monstrueux : cinq d’entre eux dépassent 8 000 mètres ! Ces sommets font partie des fameux “quatorze 8 000”, qui font, dans le monde entier, rêver l’élite, à l’image de l’alpiniste italien Reinhold Messner. Une légende vivante ! Je l’avais rencontré il y a quelques années. Il a été celui qui m’a fait quitter mes montagnes alpines pour aller explorer le monde. On s’est retrouvés, cette année, au Pakistan…
Conseilles-tu des régions plus que d’autres ?
On n’ira pas dans le Sud, où sont localisés certains foyers d’insécurité. Ce qui n’est pas le cas des régions montagneuses de l’Himalaya, de l’Hindu Kouch et du Karakorum, par définition encaissées. Le Pakistan, c’est donc une chance pour les trekkeurs ! Et c’est tout l’inverse de notre mer de Glace, qui est super équipée. Il n’y a aucune infrastructure. Les expéditions se font à l’ancienne, avec des centaines de porteurs ! Cette chaîne humaine permet de grimper sur des sommets qui culminent à plus de 8 000 mètres. Ceux de 6 000 mètres, on ne les compte plus (sourire). On est sur une toute autre échelle que celle de nos Alpes…
Comment as-tu vécu ce “retour” au Pakistan ? Qu’est-ce qui t’a surpris ?
On se sent là-bas comme chez nous. Le contact humain est exceptionnel. J’ai croisé des centaines de personnes : des Pakistanais en vacances, dans leurs montagnes, avec lesquels j’ai dû faire 500 selfies (rires) : “D’où viens-tu ? Où est ton groupe ? Où vas-tu ?” La culture française est réputée. Vous dites que vous êtes accompagnateur, les gens vous ouvrent les bras.
La réouverture de cette destination, prévue à l’été 2020, passera-t-elle par DE nouveauX circuitS ?
Ces dix dernières années, nous avions maintenu le contact avec notre prestataire pakistanais, Nanga Parbat Aventures. On a révisé notre cahier des charges. J’ai revu des hôtels, j’en ai validé certains, d’autres non, au profit de bivouacs et de chambres d’hôtes. L’axe pour l’hébergement, lors d’un trek, c’est de se reposer. Le circuit est aussi conçu au regard du réseau géographique et des sites remarquables, par exemple le Nanga Parbat, que l’on appelle “la montagne nue”, à 8 126 mètres, neuvième plus haut sommet de l’Himalaya et l’un des “8 000” les plus difficiles. Aller au pied de cette voie, c’est vraiment un must !
Qu’est-ce qui a été essentiel dans la formation des équipes locales ?
Le choix d’Allibert est de proposer des accompagnateurs français sur chaque circuit : on gagne en sécurité avec une équipe d’encadrement française, qui est renforcée par des porteurs, des cuisiniers et leurs assistants, tous anglophones. Leur formation prend appui sur le standard de qualité : de l’hygiène, qui passe par le lavage des mains des cuisiniers jusqu’aux repas équilibrés — ce qui n’est pas toujours évident. Lors d’un trek, on ne peut pas comme en France manger différemment chaque jour… surtout sur la longueur.
Allibert Trekking est engagé dans une démarche responsable. Comment l’intégrez-vous à votre formation ?
On est très exigeants. Mais vous arrivez dans des villages qui n’ont pas vu de touristes depuis des années. Il y a dix ans, le tourisme responsable n’était pas une préoccupation des habitants. Il faut une volonté locale, ou les convaincre. Or la saison touristique est courte, et ils ont besoin de gagner de l’argent. On essaie d’embaucher un maximum de locaux, et d’avoir avec eux une politique sociale, environnementale, humaine. On leur apprend à limiter l’usage des bouteilles en plastique, à trier les emballages, à les collecter, les redescendre, à préserver les ressources avec des gestes simples, comme faire bouillir de l’eau pendant les treks ou ne pas couper de bois pour faire un feu ! Pas de poubelles, de l’eau propre, des forêts entières… Notre priorité, c’est l’humain. Permettre à nos guides de travailler dans de bonnes conditions, ça signifie les équiper, à commencer par des chaussures de randonnée. On ne veut laisser que l’empreinte de nos pas, c’est notre démarche.