Un mois en Amazonie colombienne

Pendant un mois, Estelle, Jade et Noémie sont parties à la rencontre de femmes de deux communautés indigènes en Amazonie colombienne. L'objectif de leur projet « ELLAS » ? Rencontrer des figures féminines inspirantes, qui luttent pour préserver leur culture et la nature qui les entoure, et revenir avec des images pour une série documentaire à diffuser sur des plateformes web et en festival. Elles nous racontent leur immersion.
Femme colombienne

Un voyage au cœur de l’Amazonie

Notre périple commence par notre arrivée à Bogotá, la capitale de la Colombie, située à 2 640 mètres d’altitude. « Quel froid ! On ne s’attendait pas à ça ». Après 4 jours passés sur place, notamment pour rencontrer des membres de la ONIC, Organisation Nationale Indigène de Colombie, nous prenons la direction de Leticia, en Amazonie, notre camp de base pour toute la durée de notre voyage. Aux confins du Brésil, de la Colombie et du Pérou, la ville de Leticia est bordée par le fleuve Amazone, long de 6 400 kilomètres. De là, nous levons l’ancre pour rendre visite aux communautés colombiennes. Le bateau est le seul moyen d’accéder à leurs villages. « Lorsque nous étions sur place, les rivières étaient très basses, ce qui rendait la navigation difficile. On marchait plus longtemps pour trouver de la profondeur et enfin pouvoir embarquer ». Le début du trajet (environ 2h) se fait sur un bateau à moteur puis, pour rejoindre les communautés, on le quitte pour une pirogue.

 

 

La Communauté de San Martin de Amacayacu

Au croisement du fleuve Amazone et de la rivière Amacayacu, un homme de la communauté nous attend pour nous mener jusqu’au village. L’aventure sur l’eau se poursuit, et après de nombreux virages, nous atteignons les rives de la communauté de San Martin de Amacayacu. « Nous voilà lâchées en pleine forêt amazonienne, pour rencontrer notre toute première communauté en Amazonie colombienne ! ». Nous nous adaptons rapidement, l’accueil est chaleureux. « Et pour se mettre dans le bain, rien de tel que la rivière pour laver nos vêtements ! ». Nous sommes intronisées par Loyda, une femme membre de la communauté, avec qui nous passons beaucoup de temps, et que nous filmons, notamment parée d’une sublime coiffe traditionnelle. Elle est notre référente, elle nous accompagne, nous présente, et nous permet de mener à bien nos interviews. « Les moments partagés dans l’école avec les enfants sont très touchants ».

Ellas - Colombie enfants

Sur place, nous nous intéressons à un savoir-faire ancestral, le tissage. Rares sont les femmes de la communauté qui en connaissent encore les rudiments, car les nouvelles générations s’en désintéressent. Nous observons l’une d’entre elle, confectionnant des paniers, des bols, des sacs, avec de la chambira, fibre extraite de la feuille de palme. Un rigoureux procédé est nécessaire pour obtenir cette fibre : depuis les feuilles, on effiloche des bandes puis on les fait sécher plusieurs jours au soleil. Cette technique permet d’obtenir une fibre incolore très résistante. Il est également possible de la colorer, en utilisant des semillas (graines) écrasées. « Tout vient de la forêt, des ressources naturelles qui les entourent ! ».
 

La Communauté de Mocagua

Cap sur une nouvelle communauté, celle de Mocagua ! Ici, nous partageons un moment singulier avec une vielle dame de 80 ans, dont la vie rude n’a pas entaché le courage. « Depuis toujours, elle se lève à 4h du matin pour rejoindre en barque sa chagra – parcelle agricole que possède chaque famille de la communauté – qui se situe sur une petite île. Elle travaille jusqu’à 9h, rentre prendre son petit-déjeuner, puis elle retourne travailler la terre jusqu’à la fin de la journée ».

Ellas - Colombie yuka

Les communautés amazoniennes cultivent le yuka (manioc), el  plátano (banane plantin), la papaye, l’ananas ou encore des plantes médicinales. Les familles se rendent chaque jour sur leur parcelle pour travailler la terre : défricher, planter, récolter. « Ils sont courbés et il fait très chaud ».

Le yuka est un élément de base essentiel dans leur alimentation, qu’ils ajoutent sur tous leurs plats. Nous assistons même à sa transformation : le yuka est tout d’abord broyé grâce à une machine, ce qui donne une pâte, qu’ils font ensuite sécher pour parvenir à des granulés (farine épaisse). Pour finir, ils le font griller dans un énorme « poêle à feu » pour faire évaporer toute l’humidité. Place à la dégustation !

Nous avons aussi la chance de découvrir auprès d’eux la pêche (à 5h du matin !), la culture de la fève de cacao ou encore la poterie. Une vie en totale harmonie avec ce que la nature leur offre.

Cette immersion nous confirme véritablement que les communautés amazoniennes sont pleinement autosuffisantes…

L’émergence d’un paradoxe, menace pour les communautés

Aujourd’hui, l’objectif principal des membres de ces communautés est d’offrir une vie plus confortable à leurs enfants. « Ils veulent leur donner la chance qu’ils n’ont pas eu ». Cette priorité s’inscrit notamment dans la volonté de payer des études aux nouvelles générations. « Ils économisent beaucoup dans ce but-là ».

Nous sommes alors témoins d’un réel paradoxe. Les parents encouragent leurs enfants à poursuivre leur cursus scolaire par des études supérieures, de fait, les jeunes découvrent la vie en ville et la modernité durant cette période, ce qui les influence à construire leur avenir ailleurs, hors de la communauté. Par conséquent, ils s’éloignent de leur culture indigène, engendrant ainsi une perte des traditions, des langues locales et de cette vie en communion avec la nature.

Ellas - Colombie

Voilà, un mois s’est écoulé ! Notre aventure en Colombie prend fin… Pour se poursuivre au Pérou, toujours à la rencontre de figures féminines inspirantes, les visages de notre documentaire. Fortes des découvertes faites auprès des communautés colombiennes, nous avons hâte de voir ce qu’il en est, de l’autre côté de la frontière.

>> Découvrir la suite du voyage, un mois en Amazonie péruvienne

Photos de ©Noémie Lacôte