Carnet de route : Porto et Lisbonne à vélo

Le voyage a pris son allure de croisière : école le matin, visite ou balade, recherche d’un lieu propice pour les services (corvées d’eau potable, vidanges, courses éventuelles, gaz), un peu de route, étape dans un coin calme où poser le camion pour la nuit. A Porto, coup de chance, ce sera chez une ancienne connaissance rencontrée en Amérique latine, aujourd’hui ambassadeur du Brésil en poste dans la ville qui a donné son nom au Portugal. Avec sa femme, ils nous ouvrent généreusement les portes de leur résidence, avec parc sécurisé pour le véhicule et vaste annexe dans le jardin pour nous : royal ! Nous pouvons explorer la ville à loisir avec nos vélos…
Porto 1

Hébergés tout près de la fondation Serralves, le remarquable musée d’Art contemporain de Porto, situé sur les hauteurs nord-ouest de la ville, il suffit de se laisser glisser à partir de la large Avenida da Boavista à travers le parc da Cidade, tout en lagunes, bois et chemins de traverse, pour parvenir en quelques coups de pédale vers le front de mer, au niveau des premières plages et du fortin militaire São Francisco Xavier. De là, on longe l’Avenida do Brasil via un front de mer bordé de promenades et de vieux immeubles un peu décatis, jusqu’au farol (phare) das Felgueiras, à l’embouchure du Douro. On bifurque alors plein est pour se rapprocher du centre, en suivant le vieux tram bringuebalant le long des berges en rive droite de la rivière qui a fait la renommée de Porto. C’est en effet grâce (en raison) aux excellents vignobles de la vallée enchantée du Douro, juste en amont, que son port a connu un formidable essor, avec l’exportation de son fameux vin doux, le porto, appellation contrôlée et très protégée depuis des siècles.   

Porto, sur les rives du Douro

Entre ses deux imposants ponts métalliques type Eiffel enjambant le Douro, le Ponte da Arrabilda et le Ponte Dom Luis, se concentrent les instantanés les plus spectaculaires de Porto, semblant dégringoler de la colline occidentale depuis les quartiers de Vitória et Miragaia, pour se précipiter vers les eaux de cobalt. Arrivés à vélo un samedi en fin d’après-midi dans le quartier ancien de Ribeira, sur la berge occidentale, au pied du Ponte Dom Luis, c’est un choc sensoriel : étroites rues pavées bordées de maisons de marchands colorées et serrées comme dans une miniature médiévale, terrasses, cafés et galeries, artistes et spectacles de rue partout, ambiance bohème…  Surtout, sur l’eau, le ballet hypnotique des antiques barges de transport des fûts de porto, appelées rabelos : étroites embarcations à fond plat et haute voile carrée, qui font aujourd’hui office de bateaux-mouches touristiques ou de bacs entre les deux rives. Le must est de prendre le funiculaire situé sous les murailles fernandines qui enserrent encore la ville, et de se hisser en quelques minutes (en négociant pour emmener nos vélos avec nous !) jusque sur les hauteurs. Cela nous mène directement à Sé, cœur historique de la ville et patrimoine de l’Unesco, où les principaux monuments se dévoilent les uns après les autres, comme une guirlande de perles : austère cathédrale-forteresse, palais épiscopal, gare São Bento aux merveilleuses fresques d’azuleijos (faïences bleues), église São Francisco et ses gravures baroques dorées, vertigineuse Torre dos Clérigos, charmante église de Santo Ildefonso, théâtre São João, Palácio da Bolsa… et toutes les rues à l’animation folle en soirée : Rua Santa Catarina, Rua Galeria de Paris, Rua do Almada…

En forme d’apothéose, nous traversons de nuit, à vélo, le Dom Luis sur son parapet supérieur, reliant à près de cinquante mètres de hauteur la ville médiévale à sa jumelle de l’autre rive, Vila Nova de Gaia. Attention aux métros qui passent en vrombissant ! Fin de balade au monastère de Serra do Pilar, d’où la vue est simplement sublime, puisqu’on embrasse d’un même regard toute la cité à nos pieds. Quelques tours de roue échevelés par les petites ruelles pour retrouver le Douro, rive gauche cette fois. Sur ces quais orientaux de Gaia où se concentraient jadis les usines d’embouteillage, les entrepôts et les docks, place aujourd’hui aux caves de dégustation, boutiques, restaurants et animations diverses, sous une télécabine qui va-et-vient comme un pendule insolite. Inoubliable…

Lisbonne, la cité aux sept collines 

Charmés, nous sommes restés beaucoup plus longtemps que prévu à Porto. Nous n’avons en conséquence que très peu de temps à consacrer à Lisbonne, car nous avons rendez-vous après-demain dans une crique secrète de l’Algarve avec des amis, nomades eux aussi… Arrivés de nuit dans la capitale tentaculaire, nous “ancrons” le camion au clair de lune et à la hussarde, à une encâblure de la célébrissime tour de Belém, hiératique citadelle monolithique gardant le port depuis près de 1 000 ans. Une vision puissante, sous les étoiles ! Nous passerons la matinée à pédaler tranquillement le long des quais du Tage, en découvrant quelques-unes des merveilles de la cité aux sept collines : émouvant monument des Découvertes, érigé à la mémoire des navigateurs et explorateurs portugais des XVe et XVIe siècles, statue du Christ Roi, clin d’œil impertinent au Corcovado de Rio, monastère des hiéronymites, stupéfiant témoignage de la richesse des découvertes portugaises à travers le monde et emblématique du style manuélin. Mais l’heure tourne, et nous devrons à regret rebrousser chemin avant d’arriver aux quartiers les plus typiques de l’âme lisboète, Alfama et Bairro Alto. Il faudra revenir…

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Texte & Photos Franck Charton