Maroc, voyage des sens

Elles ont fermé les yeux, ont laissé filer trois petites heures de vol et, lorsqu’elles les ont rouverts, elles étaient déjà loin. La magie d'un voyage au Maroc a ceci de particulier : elle opère vitesse grand V “et vous plonge immédiatement dans un dépaysement total”, confie Marina, qui, à l’instar des deux Camille, Christelle, Aurélie et Alexia, savoure encore l’effet longue durée de ce pays semblable à un kaléidoscope ! Les écouter raconter ce périple qui les a conduit du pied du Toubkal aux palmeraies inattendues du Haut-Altlas puis à Tazzarine, aux portes du désert (et au cœur de celui-ci), jusqu’à Marrakech l’effervescente, donne le sentiment de pénétrer dans un tableau… peint à l’ocre et au bleu Majorelle, parfumé d’odeurs de cumin et de menthe fraîche, ponctué de grains de sable et de pierres fossiles, d’appels à la prière et de silence absolu. Vous en êtes l’observateur et l’acteur à la fois. C’est un voyage des sens, c’est une invitation singulière. Morceaux choisis…
Tranches de vie
Les sentiers muletiers qui enlacent le pied du Toubkal, sommet le plus haut du Maroc, conduisent la petite troupe au cœur des villages berbères à proximité d’Imlil et d’Aït Souka, et, dans le Haut-Atlas, au plus près des roches qui semblent, au gré de la lumière, se draper de couleurs flamboyantes. Dans les villages, raconte Aurélie, “ce sont des rires d’enfants avec qui on improvise un jeu de marelle, des habitants qui partent au marché à dos d’âne, des poules qui traversent une ruelle et, au loin, un mariage qui commence, le rythme des appels à la prière : ce sont des scènes de vie”. Au détour d’un village, pour en rejoindre un second puis un troisième, le panorama du Haut-Atlas laisse sans voix : vue à 360 degrés, montagnes colorées où les roches tantôt argileuses tantôt calcaires passent du noir au rouge, de l’orange à l’ocre : “C’est un peu comme si vous étiez soudain plongé dans un autre monde… peut-être étions-nous sur Mars !”
Palmeraies odorantes
Il faut (déjà) quitter l’atmosphère de haute montagne du Toubkal pour rejoindre Tazzarine, porte d’entrée du désert, via la vallée du Drâa, qui a l’avantage de consoler nos six globe-trotteuses : l’oued est bordé de palmeraies aux dattes délicieuses, mais pas seulement ! “Chaque palmeraie est un jardin extraordinaire : on y trouve des petits carrés de coriandre, de menthe, des grenades ; l’eau s’écoule d’un carré à l’autre… Un contraste avec le paysage alentour, totalement aride”, s’enthousiasme Camille. Marina se souvient avoir été quasi envoûtée par leurs parfums, et celui du cumin en particulier, dont le (seul) frottement de la feuille filiforme exhale l’arôme chaud et intense de l’épice.
Grains de sable
A la faveur d’excellents tajines, avec le goût du cumin encore en bouche, le petit groupe a atteint son but : le désert marocain ! Entre la première nuit dans un campement saharien aménagé à Saredrar et Foum Tizza, la marche est hors du temps. Chaque désert est différent : “Ici, pas de cailloux comme en Lybie, se souvient Aurélie, mais des cordons de dunes au sable fin et orangé dont les ondulations favorisent le retour sur soi et le ressourcement.” “Si vous marchez sur les crêtes, vous retombez en enfance”, sourit Christelle, qui n’est pas près d’oublier cette parenthèse délicieusement régressive, prolongée par la découverte inattendue de gisements fossiles et, cerise sur le bivouac, par un feu de camp. Une nuit à la belle étoile, avec chants berbères. Fennec à l’horizon…
Ouate
Elles ont tendu l’oreille, écouté le silence du désert, avant de reprendre la route, en passant par celle des “mille casbahs” suspendues à flanc de roche, direction Marrakech. A l’animation de la place Djemaa el-Fna bordée par des dédales de ruelles, de souks, de charmeurs de serpents et de marchands de cornes (croustillantes) de gazelle, répond le calme des jardins mauresques, Koutoubia et Majorelle, le vert des cactus et cet illustre bleu outremer, l’intimité d’un hammam et celui d’un ryad tapi là, juste dans un repli de ruelle. Elles se souviennent de cet instant précis où la porte s’est refermée sur le bruit alentour : “On entendait seulement l’écoulement de l’eau dans la végétation et absolument plus rien autour.” La magie du Maroc…