Marcos Couch : guide de haute montagne

Ses circuits ont le goût des asados : authentiques, relevés d’un soupçon d’humour et tendres comme cette viande de bœuf qui fait partie des trésors culinaires argentins. “Je les appelle les asados dialogados”, sourit Marcos Couch, qui vous avoue tout de go que la viande, il la préfère “bleue”. Ce qui le rapproche un peu plus encore des Français, avec lesquels l’épicurien partage (et pas seulement à l’occasion de ses barbecues latinos) le fin du fin : le goût et la vision intime de son pays.
L’ouverture aux autres, Marcos Couch l’a dans les veines. Petit-fils d’aviateur italien et fils de pasteur et d’universitaire, il effectue très jeune, avec ses parents, un quasi-tour du monde (des Etats-Unis à l’lnde en passant par l’Europe et la France, où il a vécu deux ans) qui le sensibilise à la rencontre, et lui ouvre… la voie.
Aujourd’hui, à 59 ans, dans un français impeccable mâtiné d’intonations qui chantent et font rou(cou)ler les consonnes, cet alpiniste dont la passion pour la montagne ne s’est jamais assouvie depuis ses 18 ans (il fait alors partie de la deuxième ascension du cerro Moreno, sur le champ de glace patagonique Sud, et ouvre, six ans plus tard la Ruta argentina, une voie d’escalade, sur le cerro Fitz Roy) vous raconte alors comment, par le hasard d’une rencontre, dans les années 90, il est devenu guide, à 23 ans : “La Fédération française de la montagne était venue en Argentine pour un stage de ski de randonnée, auquel participait Allibert. Je préparais à l’époque l’ascension de la première ligne du cerro Torre. A l’issue du stage, Allibert m’a proposé de participer à l’ascension de l’Aconcagua (6961 m). Puis m’a rappelé un mois plus tard pour encadrer un circuit au Pérou. Et j’ai accepté… ”
Le mont San Valentín avec Philippe Modéré et Jef Tripard
Et tout s’enchaîne ! Repéré pour ses aptitudes physiques, ses connaissances pointues de la Patagonie et son sens inné du contact, l’ascensionniste argentin est sollicité par les fondateurs d’Allibert : c’est avec lui que Jef Tripard et Philippe Modéré mènent leur ascension, en 1990, au mont San Valentín (4058 m), plus haut sommet de Patagonie. Une première française immortalisée dans l’ouvrage Terre de sel, terre de gel, signé Olivier Föllmi, qui fait aussi partie du voyage…
Profondément amoureux de cette terre située “au sud du sud où la magie est dans le vent”, cet insatiable en chérit les contrastes, et c’est dans son Argentine authentique, historique, pétrie de vides et de pleins parcourue mille fois avec Akira, sa chienne des neiges, qu’il vous conduit. Avec lui, à Buenos Aires sur la place (grouillante) de Mai, ou à Ushuaia (“un demi-habitant au mètre carré”), le patrimoine dévoile ses secrets. Des oiseaux endémiques aux gauchos, du maté tonifiant au sardo (sorte de parmesan italien bien fruité et bien sec), l’homme, cela se sent, n’est pas seulement guide de haute montagne : “Etre guide dépasse le plaisir de la montagne : c’est avant tout celui de la rencontre”, explique celui qui vous transporte dans la cordillère des Andes de Patagonie, au cœur du parc de los Glaciares, coiffé du précieux Perito Moreno et du légendaire Fitz Roy (lire encadré), ou encore en Terre de Feu, cet archipel sauvage partagé entre Chili et Argentine, en vous parlant, qui sait, de l’étonnant Torrontes, unique cépage argentin…
Le Fitz Roy : En Patagonie argentine, la mythique aiguille de granit, à 3405 mètres, a valeur d’emblème national. Réputé pour son aspect inaccessible (où les six climats redoublent l’extrême difficulté de l’ascension), ce “pic bleu”, conquis en février 1952 par Guido Magnone et Lionel Terray, a depuis aiguisé l’appétit d’alpinistes émérites… à l’image de Marcos Couch. Trente-deux ans après l’avoir gravi avec trois complices, dont l’un filma l’ascension avec une caméra Super-8, l’Argentin et deux de ses compagnons l’ont approché de nouveau : les images, emplies de rêve et de nostalgie, ont fait l’objet d’un documentaire, diffusé dans l’émission Faut pas rêver.